mardi 8 avril 2008

Le temps des turbulences

C'est un témoignage précieux que nous livre Alan Greenspan dans sa volumineuse biographie "Le temps des turbulences". Plus qu'une compilation d'analyses, c'est l'occasion pour lui de raconter un demi siècle de l'histoire économique et politique des Etats-Unis. Celui qui a dirigé la Réserve Fédérale américaine -l'équivalent américain de la banque centrale européenne- pendant près de vingt ans nous offre un point de vue singulier et sans concession de sa version de l'histoire.

Il est d'abord question de l'homme, fils unique élevé par sa mère dans la lointaine banlieue New-Yorkaise, que le parcours scolaire dirige peu à peu vers l'économie, une discipline où il se sent de plus en plus à même d'exceller à mesure qu'il se détourne de sa première passion : le jazz. Il n'a eu de cesse alors de s'approprier les mécanismes de la dynamique économique, plongé dans les manuels et les textes des plus grands auteurs, Smith, Ricardo, Keynes -dont il adoptera provisoirement la Théorie Générale- mais surtout Schumpeter et sa théorie de la destruction créatrice dont il ne se détachera jamais.

Dans son ouvrage, Alan Greenspan, tacle là où on ne l'attendait pas forcément. De sensibilité Républicaine, Greenspan adresse dans ses mémoires un éloge prononcé de Bill Clinton. Il estime que le Parti Républicain a mérité sa défaite électorale en 2006 : "Ils ont mis de côté les principes -ndlr faisant référence aux principes économiques conservateurs de réduction des dépenses- pour conserver le pouvoir.... mais au bout du compte ils l'ont perdu également".

L'ancien Président se dit également attristé qu'il soit devenu "politiquement incorrect de reconnaître publiquement ce que chacun sait : la guerre en Irak était largement motivée par le pétrole".

Je m'étonne cependant que l'ancien grand argentier de la Fed n'ait pas soulevé ces objections en temps et heure, rappelant notamment son soutien au paquet fiscal de George Bush, pourtant critiqué à l'époque par d'autres figures de l'univers financier (comme Warren Buffett).

Et même si aujourd'hui son aura pâtît de quelques critiques suite à la crise des subprimes, qu'il est accusé d'avoir favorisé en encourageant la bulle immobilière, l'économiste est toujours considéré comme un "oracle" de l'économie, et des plus libéraux qui plus est. Ainsi dans son ouvrage, on apprend que :

L'immigration est inéluctable et sera bénéfique : « Si nous devons continuer à affronter le monde et améliorer nos niveaux de vie, nous devrons soit améliorer considérablement notre enseignement primaire et secondaire, soit ouvrir nos frontières aux immigrants qualifiés. Si nous faisions les deux, nous en retirerions d'importants bénéfices économiques ».

La Chine dessinera le monde : « Parmi les rivaux du leadership économique mondial des Etats-Unis, juge-t-il, seule la populeuse Chine apparaît comme un concurrent majeur en 2030. (...) Je ne prétends pas être capable de prévoir avec certitude si la Chine continuera à suivre son chemin actuel vers une plus grande liberté politique ou bien si, pour conserver son contrôle politique, le Parti communiste rétablira la rigidité économique (...). Le monde en 2030 dépendra en grande part de ce choix. Si la Chine continue de se diriger vers le capitalisme de marché, elle portera à coup sûr le monde vers de nouveaux niveaux de prospérité ».

Les retraites sont condamnées : « La quasi-totalité du monde développé se trouve au bord d'un gouffre démographique sans précédent : un nombre important de travailleurs (...) s'apprête à quitter la sphère productive pour prendre sa retraite. (..) Chercher à conserver le système actuel de retraite par répartition (...) va devenir de plus en plus coûteux et à un certain moment insupportable. Faute de mieux, la seule solution possible sera de recourir à une forme de financement privé ».

En tout cas celle de M. Greenspan n’est pas condamnée car il reste un retraité très actif. Outre le fait qu’il est conseiller à la Deutsche Bank, il a reçu une avance de 8 millions de dollars pour son livre et enchaîne les conférences facturées à 150 000 dollars chacune. N’est pas Greenspan qui veut !

Anas ALAOUI M.

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