mardi 8 avril 2008

A Abbass Aya Abbass ... comme dirait la chanson

Six mois après l’entrée en scène du gouvernement actuel le 15 octobre 2007, les premières comparaisons avec le gouvernement Jettou commencent déjà à se faire entendre. Même si le gouvernement n’est pas présent depuis assez longtemps et que, objectivement, on ne peut pas encore parler de bilan, il suffit de regarder ce qu’il a fait pour se rendre compte qu’en dehors de l’achèvement de quelques dossiers de l’ancien gouvernement, il n’y a pas eu d’action réellement nouvelle.

Des patates bien chaudes.
Une comparaison entre les deux gouvernements est-elle vraiment possible ? Héritier d’une série de dossiers ultra sensibles du gouvernement Jettou, à l’instar du problème de la couverture médicale, mais aussi d’autres, remis au goût du jour par l’actualité, comme celui de la Caisse de compensation, le gouvernement de Ssi Abbas a hérité de plusieurs patates chaudes que les gouvernements se refilent depuis plus 25 ans. Il est à rappeler que les émeutes de la faim de 1981 avaient déjà eu pour objet la hausse des prix et une tentative de renoncer aux subventions, de supprimer la Caisse de compensation. Depuis lors, chaque gouvernement commence son mandat en promettant de lancer une étude et de régler ce problème. La différence par rapport aux gouvernements précédents, c’est que le coût d’un maintien de cette caisse est devenu beaucoup plus onéreux. Tant que les cours étaient bas, c’était une bonne affaire, mais plus maintenant. Pourtant le gouvernement devrait s'attaquer dès à présent à certaines réformes qui permettraient d'augmenter le pouvoir d'achat des marocains comme par exemple le ciblage des populations nécessiteuses. En effet, et selons les chiffres du HCP, 40% des subventions alimentaires et 50% de celles destinées à l’éducation profitent aux 20% de ménages les plus aisés. Les 20% les plus pauvres reçoivent à peine 9%. En aidant uniquement les populations nécessiteuses, on pourrait réduire l’enveloppe de la CDC de 75%.

Cherche majorité stable et plus si affinités.
Nommé en 2002 à la suite de l’échec des deux poids lourds de la majorité, l’Istiqlal et l’USFP, à trouver un accord concernant l’appartenance politique du chef de gouvernement, Driss Jettou s’était très vite imposé par une forte présence au niveau du travail en équipe au sein du gouvernement, tandis que son statut de technocrate, s’il lui avait attiré des reproches de la scène politique marocaine, l’avait aussi protégé de certains de ses aléas. Cela ne semble pas être le cas du Premier ministre actuel: Ssi Abbas. Celui-ci a beau bénéficié de l’étiquette partisane tant réclamée par les politiques depuis 2002, le gouvernement a «mal à sa majorité» : désigné au lendemain d’élections caractérisées par un taux d’abstention record, affaibli depuis le passage du Mouvement populaire à l’opposition et l’adoption par l’USFP du concept de «soutien critique», le gouvernement pâtit d’un manque de coordination au niveau de sa majorité parlementaire. On ne sent pas de grande synergie entre les équipes de la majorité. Ce n’est pas une équipe extrêmement soudée, mais plutôt l’addition de groupes au sein de la majorité. C’est pour cela que, parfois, on a tendance à dire que la majorité est fragile. On vote, dans les commissions, des lois à deux voix de plus que le camp d’en face. Une situation que l’approche des élections communales en 2009 ne risque pas de résoudre.

Je suis là, j'existe !
Autre constante dans les plaintes: le manque de visibilité. Après un Driss Jettou dont l’un des points forts aura été la communication, vis-à-vis des acteurs marocains et étrangers, plusieurs voix reprochent au gouvernement actuel de ne pas en faire autant, au point d’empêcher une lecture claire de la stratégie des ministères. L’on se souviendra de la demande de Ssi Abbas, au début de l’année, aux membres du gouvernement de lui présenter les programmes qu’ils comptaient appliquer au niveau de leurs départements respectifs. Je ne suis pas un fin connaisseur du droit constitutionnel mais il me semblait que selon l'article 65 de notre "constitution", "Le Premier ministre assum[ait] la responsabilité de la coordination des activités ministérielles" et non l'inverse ! Plus récemment, le 18 mars dernier a été marqué par le lancement d’un nouveau concept, les «mardis de la Primature», par le ministre délégué chargé des affaires économiques et générales, Nizar Baraka, une opération destinée à assurer un contact régulier avec les médias pour discuter des dossiers de l’actualité... mais le Premier ministre dispose déjà d’une tribune hebdomadaire au niveau du Parlement, il n’a qu’à y aller pour y dire ce qu’il veut et annoncer les mesures qu’il a prises. De plus, cela encouragera ses collègues au gouvernement, à y faire acte de présence plus souvent et porter un coup à la routine parlementaire que la Primature politique n’a pas changée.

Il y a là clairement un manque de coordination entre les composantes du gouvernement, voire une incapacité du Premier ministre à jouer son rôle de chef d’orchestre.

A trop raser le mûr, on finit par avoir mal au dos à Ssi Abbas.

Anas Alaoui M.

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