mardi 8 avril 2008

Réflexion faite ... les Droits de l'Homme au Maroc

Vaste sujet que celui des droits de l’Homme au Maroc. Comme beaucoup de pays en voie de développement, le combat pour la défense des droits de l’Homme occupe une place importante dans la vie politique de notre pays et malheureusement au détriment d’autres débats qui seraient nettement plus bénéfiques à notre émancipation. Qu’entend-on par droits de l’Homme ? Les droits de l’Homme sont le respect des valeurs fondamentales des droits humains que sont la dignité, le droit à la vie, la liberté, l’égalité, la solidarité, la tolérance, le droit à la différence... autant de valeurs qui nous semblent couler de source mais qui pour certains de nos dirigeants restent un privilège à pourvoir ou à extirper. Etat des lieux d’une lutte qui n’en fini pas de durer...

Au royaume enchanté, les atteintes aux droits de l’Homme ne sont un secret pour personne et ce depuis bien longtemps... trop longtemps !

Il y a eu le long cauchemar que fut les "années de plomb". La répression politique au Maroc est alors féroce et ne fait pitié d’aucun cas. Disparitions, arrestations arbitraires, tortures, procès inéquitables dans le cadre d’une justice de l’ordre, exécutions extrajudiciaires, viols... et j’en passe. La population marocaine, ou du moins la moins bien lotie parmi elle, a tout connu, et ce dans la plus totale impunité des commanditaires de ces actes. Guerre du Sahara, guerre contre l’Algérie, complots, soulèvements, abus de pouvoirs... toutes les raisons sont bonnes pour démontrer, qu’au Maroc, le pouvoir ne peut ni être ébranlé ni même critiqué. Alors avec la nouvelle ère, celle du jeune roi, il fut jugé utile de mettre sur pied une commission qui plancherait sur la question : l’Instance Equité et Réconciliation. En 2005, l’IER publie son rapport sur les violations graves des droits humains commises dans le passé. Elle y répertorie quelque 10000 cas d’atteinte aux droits de l’Homme et 1018 morts, bilan très contesté par les acteurs de la société civile. Mais cette instance agit en dehors de tout cadre judiciaire. Cette instance qui avait suscité tant d'espoirs se révèle finalement une grande déception: les recommandations émises sont restées lettre morte comme la réforme constitutionnelle, l’abolition de la peine de mort, la lutte contre l’impunité notamment celle des tortionnaires et hauts gradés de la police, de la gendarmerie et de l’armée (certains sont encore en poste), la réforme des services sécuritaires, l’adhésion à la cour pénale internationale.

Parlons-en justement de l’attitude marocaine face à la communauté internationale durant ces années. Le Maroc adhère dès 1979 à un certains nombre de conventions mais toujours entachées de réserves officielles affaiblissant la signification de ces ratifications comme c’est le cas pour les conventions sur les discriminations à l’égard des femmes, contre la torture, ou même celles sur les droits de l’enfant ! De plus, des traités d’importance capitale ne sont toujours pas signés par le Maroc comme la convention de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) sur les libertés syndicales. Encore faudrait-il reconnaître la primauté des conventions internationales par notre constitution si l’on souhaite être en adéquation avec les normes reconnues universellement.

Pour palier ce manque, la société civile, encore une fois, s’est organisée par ces propres moyens pour faire valoir les droits des marocains en place et en lieu de l’Etat. Ainsi, depuis le début des années 90, de nombreuses associations de défense des droits de l’Homme ont vu le jour grâce au dynamisme et au ras le bol de politiques, intellectuels, anciens prisonniers ou tout simplement militants. L’Association Marocaine des Droits de l’Homme (AMDH), ATTAC Maroc, l’Union de l’Action Féminine (UAF), la Ligue Amazigh des Droits de l’Homme (LADH)... pour ne citer que celles-ci, militent continuellement pour permettre à tout marocain de jouir de ses droits. Leur combat est quotidien et tente de faire la justice dans un pays qui en manque cruellement. Leur soutien aux victimes est matériel et moral mais se fait également par une dénonciation régulière des atteintes aux droits de l’Homme de tous les genres par l’organisation de sit in, de marches pacifiques de soutien... etc.

Aujourd’hui, alors qu’il semble s’être profiler un état de droit au Maroc, Amnesty International vient de dénoncer dans son dernier rapport paru fin 2007, une augmentation des cas de torture depuis 2002, année de lancement d’une campagne de lutte anti-terroriste. En effet, à la suite des attentats du 16 mai 2003, de nombreux cas de détention arbitraire, de torture, de procès iniques, de recours à la violence de la part des autorités ont été perpétrés dans une quasi-totale indifférence de l’opinion publique trop désireuse d’enrayer le terrorisme du territoire marocain. Les rafles et les procès non stop ont conduit à la condamnation de plus de 850 personnes dont 16 à la peine capitale. Est-ce LA solution ? Le traitement sécuritaire et judiciaire de ce dossier a connu tous les abus avec, par exemple, la loi antiterroriste qui contient des dispositions rétrogrades quant au respect des droits humains ce qui a débouché sur des jugements sévères et cruels pour des centaines de présumés terroristes, sans parler des conditions de détention dans les prisons surpeuplées du royaume.
Mais la recrudescence de ces traitements ne se limite pas aux seuls terroristes et barbus ou aux militaires comme autrefois, elle concerne aussi les jeunes, les militants, les engagés politiquement, les journalistes... Les exemples encore une fois se bousculent ! Leurs crimes ? 47 jeunes arrêtés lors des manifestations contre la vie chère à Sefrou le 23 Septembre 2007 dont 34 ont été condamnés à 4 mois de prison ferme ; des dizaines de syndicalistes arrêtés arbitrairement pour avoir dénoncé leurs conditions de travail; les journalistes également n’échappent pas aux ravages de l’estafette, puisque nombre d’entre eux sont poursuivis et enfermés pour avoir dit ce que beaucoup pensent tout bas; en plus de tous les étudiants et militants emprisonnés pour délit d’opinion. On voit même réapparaître le spectre des bagnes que l’on croyait enfoui: le centre de détention de Temara, situé à 15km de Rabat et géré par la DST (la Direction de Sureté Nationale) rappelle les Tazmamart, Dar Mokri ou autre Derb Moulay Cherrif depuis que de nombreux témoins ont évoqué des tortures systématiques dans ce centre de détention qui reste secret et non reconnu par les autorités.

Les autorités usent aussi largement du délit d’atteinte aux sacralités et à l’intégrité territoriale. En effet, dans beaucoup de cas, les prévenus sont accusés d’avoir bafoué une valeur à la mode chez nos dirigeants. Le cas du jeune ingénieur Fouad Mortada, est tristement célèbre: pour avoir créé une page au nom du prince sur Facebook, il a vu s’abattre sur lui les foudres de la police et a été condamné à 3 ans de prison ferme et 10000 Dhs d'amende avant de se faire gracier par le roi. Et tant d’autres... Le crime de lèse majesté continue donc de faire des victimes dans notre pays et nous rappelle que l’on n’est pas si loin du temps où l’on devait baisser la voix pour échapper aux mouchards. Le respect des droits de l’Homme prévaut même si la loi sanctionne. Ce n’est pas se que retiendront les 17 membres de l’AMDH arrêtés à Agadir, Ksar el Kebir et Beni Mellal pour avoir scandé des chants jugés douteux à un sit in pacifique à l’occasion des manifestations du 1er Mai 2007 et condamnés par la suite à 1 à 4 ans de prison ferme. Au total, on compte aujourd’hui environ 46 détenus politiques au Maroc et une poignée de détenus d’opinions.

Au royaume enchanté donc, les choses ne sont pas aussi belles que l’on voudrait le croire. Et si la partie visible de la société, nichée dans les beaux quartiers des grandes villes, feint la tranquillité, le Maroc « inutile » continue de souffrir des sévices d’une politique de répression sauvage. Subissons-nous réellement un tel traitement? Oui, tant que notre justice - justice incompétente, justice dépendante, justice partiale - servira les intérêts de la minorité... Pire, depuis l’indépendance, les autorités marocaines ont cultivé un savoir faire dans le domaine du non respect des droits de l’Homme: communication contrôlée, art du mensonge et de la négation, maintien du contrôle sur la population grâce à son appareil sécuritaire, soin de son image internationale... ce qui suscite auprès de la population une quasi complaisance !

Il est temps pour nous de réagir à cette grande manipulation et de réclamer enfin un Etat de Droit, droit à la vie dans la dignité, droit à la liberté, droit à la différence, droit à l’égalité, droit à la santé... Est-ce trop demandé ?

Aimane Sami

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